Sans y penser
Écoutons, mon amant,
L'air que ce mendiant chantait dans la rue
C'est sur cet air, vois-tu
Que tu m'es apparue
C'était au bal musette,
Mon allure honnête t'avait plu, je crois
Tu t'es avancé vers moi...
Tu m'as dit : « Voulez-vous danser ? »
J'ai dit : « Oui », presque sans y penser
Je sentais contre moi ton bras souple et fort
Et j'ai tourné longtemps, tout contre ton corps
La musique a soudain cessé
Tu m'as dit : « On va recommencer ! »
Alors, pour être encore contre toi bercée
J'ai dit : « Oui », sans presque y penser
Et puis, en moins de rien, comme deux vieux copains,
Sans raison ni chose
Sans le faire à la pose,
On s'est dit des tas de choses
On a parlé longtemps toujours en dansant dans la bruit des bois
Puis tu t'es penché vers moi :
Tu m'as dit : « Voulez-vous m'aimer ? »
J'ai dit : « Oui », presque sans y penser
Je sentais seulement, je ne sais pourquoi
Que tout, vois-tu, oui, « tout », c'était déjà « toi ».
Je restais près de toi, charmée
Je ne pouvais plus rien exprimer
Et quand, tout simplement, tu m'as dit : « Venez. »
J'ai dit : « Oui », sans presque y penser !
Ce fut ta chambre sombre,
Nous étions deux ombres dans la nuit immense
J'étais là sans défense
En toi, j'avais confiance
J'ai senti dans mon cœur que
L'amour vainqueur nous dictait sa loi
Tu m'as serré contre toi.
Tu m'as dit... Là, tu n'as rien dit
Je n'ai donc pas même eu à dire « oui »
Comme fiançailles, on peut dire : ce fut un peu court
Mais quoi, l'amour, le vrai commence par l'amour
Et depuis, ce soir-là, ma vie
Est une bal qui n'est jamais fini
Est un bal
Et je tremble en pensant qu'il a commencé
Par un « oui » sans presque y penser !