J'suis mordue
Quand les copines parlent de mon p’tit homme,
Disent : « Ah! C’qu’il est laid !
Il est tatoué, ridé comme une vieille pomme.
Il n’a rien qui plaît. »
C’que je me bidonne avec toutes leurs salades,
Bobards à la noix.
Qu’est-ce que je peux rendre aux reines de la panade
Qui bêchent mon p’tit roi ?
S’il est simple, s’il a l’air d’un fauché.
En douce, comment qu’il vous fait guincher.
Avec sa face blême,
Son col café crème,
Quand il me dit « je t'aime »,
J’suis mordue !
Ses grandes patoches blanches,
Son corps qui se déhanche,
C’est Dandy la planche :
J'suis mordue!
Çui qui l’connaît pas le prend pour un bon apôtre.
Il sait si bien faire meilleur que les autres.
Si je lui fais un vanne
Avec ses tatanes,
Oh ! Comment qu'il me dépanne :
J’suis mordue !
Si on lui demande : « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? »
Il répond froidement :
« Je suis chômeur, j’mange mes économies. »
C’est navrant, vraiment,
Puis il exhibe sa carte de chômage
Et s’plaît d'ajouter :
« Ça m’sert en plus ’près d’certains personnages
D’carte d’identité. »
Puis sortant sa photo, il s’écrie :
« Ah y a rien de mieux à l’anthropométrie ! »
Avec sa face blême,
Son col café crème,
Quand il me dit « je t'aime »,
J’suis mordue !
Toujours y m’resquille.
Il me prend pour une bille
Mais j’suis une bonne fille.
J’suis mordue !
Au billard russe, chaque soir, il s’exerce.
« Faut bien, dit-il, faire marcher le commerce. »
Il peut tout me faire.
C’est là mon affaire.
Il n’y a rien à faire... j’suis mordue !
Quand je serai vieille, il me plaquera, j’en suis sûre,
À moins qu’il claque avant moi, ça me rassure !
Ah, c’est un phénomène.
J’suis faite comme une reine,
Mais dès qu’il s’amène,
J’suis mordue !