Seule avec moi
Il est huit heures à peine et la maison s'éveille.
Une radio chante chez le voisin.
Je beurre des tartines debout dans la cuisine
car tu as toujours faim dès le matin.
Puis chacun se dépêche, sur ta joue toute fraîche,
je te caresse en disant : "À ce soir."
Et tu t'en vas très vite et derrière ma vitre,
moi je te fais un signe d'au revoir.
Tu es parti et je reste là.
Je reste seule, seule avec moi.
Toute ma vie je la passe là.
Je reste seule, toute seule chez moi.
J'ai ce que je désire—le meilleur et le pire—
la vie dorée et l'envie de partir.
On dit que j'ai de la chance mais je pleure en silence
sur mon grand lit et sur mon avenir.
Derrière mes grimaces on ne voit pas la trace
de ces envies qui déchirent le cœur—
pour le monsieur d'en face, le jeune homme qui passe—
pour un instant d'amour, pour un quart d'heure.
Tu es parti et je reste là.
Je reste seule, seule avec moi.
Toute ma vie je la passe là.
Je reste seule, toute seule chez moi.
Voilà ma vie en rose, faire toujours la même chose
en suivant le chemin qu'on m'a tracé.
Comme toutes les femmes j'ai le même programme,
et "Aujourd'hui Madame" à la télé.
Personne ne suppose que je pense à des choses—
que j'ai parfois envie de voyager.
C'est fini l'aventure, malgré moi je suis sûre
que rien jamais ne pourra m'arriver.
Tu es parti et je reste là.
Me voilà seule, seule avec moi.
Toute ma vie je la passe là.
Est-ce que vraiment le bonheur c'est çà ?